Poivre Voatsiperifery

Ce si joli nom m’évoque Pondichéry ou Chandernagor, mais la compagnie française des indes orientales n’était pas la plus futée pour le commerce du poivre ! Les Hollandais s’en étaient déjà chargés ; comme quoi, ils ne sont sans doute pas les plus fins gastronomes que la terre ait portés, mais ils ont été plus fins sur ce coup là ! Néanmoins, s’ils ont su commercer avec l’orient, ils n’ont cependant pas trop intégré les trésors d’épices rapportées à leur cuisine, plutôt roborative et marquée de l’austérité protestante… Toutefois, ils sont friands des cuisines orientales et aujourd’hui enfin, ils osent la fusion des cuisines du monde, et on dit qu’on peut prendre du plaisir à manger, désormais, dans ce pays qui a tout de même donné naissance à Van Gogh (on ne peut pas être que vache) ! Alors, en passant par Amsterdam, si vous ne trouvez pas de quoi satisfaire vos papilles gustatives dans un resto qui userait du délicieux poivre Voatsiperifery, passez au musée Van Gogh sans hésitation, pour y vivre un intense moment d’émotion pure, ce sera toujours ça de pris ! A votre retour en France, n’hésitez pas à vous arrêter dans une bonne épicerie (j’ai dit épicerie, à savoir, marchand d’épices, pas supermarché). « Chez l’épicier, pas d’argent, pas d’épice, chez la belle Suzon, par d’argent, pas de cuisse… Les mornes et basses prétentions, c’est pas de ma juridiction », comme disait notre ami Brassens. Alors, le poivre Voatsiperifery étant un peu cher, munissez-vous de quelques pièces de monnaie (oui, les billets ne seront pas nécessaires, c’est pas du caviar, non plus!) et courez chez un bon épicier. N’achetez le poivre, en général, qu’en petites quantités et conditionné dans un truc hermétique, évitez le gros sac en vrac, ça laisse les parfums se tailler ! A votre retour, dès que vous aurez fermé votre porte à double tour, précipitez-vous dans votre cuisine et munissez-vous de votre plus beau mortier et de son copain le pilon, pour y moudre délicatement quelques grains de ce merveilleux poivre sauvage. Qui ne vient pas d’Inde, désolée, mais de Madagascar, bien qu’il pousse aussi un peu sur l’île de la réunion et l’île Maurice. Vous voulez voir de quoi il a l’air ?  Y’a qu’à demander :poivre Voatsiperifery

Joli, non ? Il a une petite queue, comme le poivre Cubèbe, il a une jolie couleur brune, un peu rouge parfois. C’est un poivre sauvage, il pousse comme il veut sur des arbres (je rappelle à ceux qui n’ont pas lu ma présentation des poivres que c’est une liane), dans les forêts tropicales, et ce sont les populations locales qui récoltent ce  rare butin. Et comme la grande époque de Venise est terminée (oui, ça reste une ville magnifique, ne vous fâchez pas, je suis la première convaincue), vous pouvez aujourd’hui en acheter même en France. Ceci dit, ça ne fait pas si longtemps que ça qu’il est importé en Europe, puisque la personne à qui nous devons le privilège de pouvoir le consommer sans soudoyer une vieille cuisinière Malgache perdue en France est notre contemporain, c’est Mr Gérard Vives, auteur d’un super bouquin sur les poivres, dont je m’inspire régulièrement pour cuisiner et pour vous faire croire que je suis incollable sur le sujet. Sachez donc que le poivre Voatsiperifery est très aromatique, mais pas très puissant (en piquant, s’entend). Vous ne vous brûlerez pas la langue, même si vous le goûtez comme ça, tel quel, en croquant un grain, comme je viens de le faire pour pouvoir vous en parler, et, croyez moi, je n’ai aucun regret. D’abord, au museau, vous serez surpris par sa fraîcheur et se complexité ; votre esprit vagabondera pour chercher à quoi il vous fait penser…. Et vous le croquerez ; c’est piquant, bien sur, mais pas violent, c’est très parfumé, acidulé et frais, puis plus proche de l’idée que vous vous faîtes du poivre, après. Je suis tentée de dire comme un parfum, d’abord hespéridé, puis boisé. Vous constaterez que son arôme reste très longtemps dans votre bouche, surtout si vous collez votre langue à votre palais, ce qui fait revenir le goût qu’on croyait épuisé. C’est peut-être un truc à noter quand on pue du bec, tiens ! Et maintenant que vous avez un aperçu de sa personnalité, demandez-vous sur quel plat vous allez le déposer délicatement. Je vous laisse libre de choisir, il n’est pas compliqué à associer, mais je vous livre ma préférence : sur du fromage frais (chèvre, veau, vache, cochon,  brebis !), du fromage blanc, et c’est bien aussi sur les fruits. Quoique ma préférence pour les fruits aille au poivre du Timut, mais on en parlera un autre jour… C’est comme pour le foie gras, le Voatsiperifery marche bien, mais j’ai un faible pour le Sichuan… Bon, je m’égare.  Voilà, vous avez peut-être pensé que je vous boudais le weekend dernier, mais non, nous avons décidé, lors de notre dernier conseil d’administration, de vous écrire moins souvent mais mieux. Une nouvelle ère s’ouvre donc à nous, qui vous laisse plus de temps pour cuisiner, parce que, comme vous l’aurez noté, la lecture de ce billet ne vous aura pris que 30 secondes, comme à moi pour l’écrire !

Pour finir, si vous voulez connaître mes recettes de la semaine, enfin, de la quinzaine, cliquez là :

moussaka (avec des photos de Valentin)

aubergines, tout simplement (il m’en restait après la moussaka)

filet de rouget en croûte d’herbes (ma fierté du mois, il faut bien se faire plaisir)

fenouil confit au caramel d’orange

Vous noterez qu’entre deux gribouillages, j’ai bossé, quand même !

A bientôt pour de nouvelles aventures poivrées…

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